Friday, August 24, 2007

Message de Mgr Jerome Gapangwa

Monseigneur Gapangwa critique la division parmi les banyamulenge et “l’ingratitude envers le Rwanda”


LA CRISE INTERNE DE LA COMMUNAUTE BANYAMULENGE CAUSES ET EFFETS DE LA PROBLEMATIQUE
Avant-propos (Mars 12th, 2006)
Chers amis, chers frères et soeurs,
C’est pour la toute première fois que nous nous rencontrons en tant que membres de notre communauté ethnique en diaspora en Europe. Mais, c’est pour la seconde fois que je suis invité à parler de la problématique de la minorité banyamulenge. La première fois, c’était à Portland du Maine (USA), le 25.11.2004, sur l’invitation de la diaspora de notre communauté vivant aux Etats Unis d’Amérique. Le résultat de ce colloque n’a pas été à la hauteur des attentes qu’il avait suscitées, hélas!
Pour certains d’entre nous, c’est pour la première fois qu’ils pourront faire connaissance. Pour d’autres, c’est l’occasion de renouer les rapports interrompus par une longue période de séparation. Ces deux éléments justifient les émotions que chacun de nous ressent dans son coeur. Ceci est suffisant pour vous faire comprendre combien est louable l’initiative des promoteurs et organisateurs de ce forum. Qu’ils veuillent bien croire à mes vives et sincères félicitations.
Avant tout, je me sens dans l’obligation de vous souhaiter une bonne et heureuse année 2006 qui n’est encore qu’à son début. Je vous bénis tout en vous souhaitant une abondance de bénédictions divines. Que cette année vous soit propice et fructueuse1.
Au colloque de Portland, j’avais été invité à présenter un bref aperçu historique de notre communauté ethnique, avec un accent particulier sur ses problèmes socio-politiques spécifiques au sein de la grande communauté nationale. Mon intervention se voulait une contribution dans la recherche des voies et moyens susceptibles de refaire la cohésion de ce peuple, démarche qui passe nécessairement par la réconciliation avec lui-même, la réconstitution de son tissu social et de sa paix interne, en vue d’une meilleure intégration et d’une fructueuse contribution à la paix du peuple congolais tout entier.
L’accent de mon discours était mis sur le retard que notre communauté a accusé par rapport à plusieurs autres groupes ethniques du pays, depuis le temps colonial jusqu’à nos jours : un grand et regrettable manque à gagner! J’ai montré que ce retard a été aggravé encore davantage par toute une série d’injustices sociales, politiques et administratives dont ce peuple a été victime.
Cependant, j’ai affirmé, et je l’affirme encore, que ce groupe social n’est pas l’unique minoritaire en République Démocratique Congo, ni le plus laissé pour compte. L’unique différence majeure qu’il ne partage pas avec les autres groupes minoritaires, c’est le fait d’être systématiquememt discriminé, jusqu’à la menace d’être réduit à l’état d’apatride. Même d’autres groupes ethniques qui ont fortement subi la discrimination et la violence, comme les Baluba du Kasai, jusqu’à être chassés du Katanga par deux fois en trois décennies (1961 et 1992)2, n’ont jamais été contestés comme Congolais. Seuls les rwandophones, et tout particulièrement les Tutsis dont les Banyamulenge font partie intégrante, ont subi et continuent encore aujourd’hui de subir cette injustice nationale3.
Dans la conclusion de mon discours, j’ai signalé le fait que ce groupe social a fini par se faire prendre dans le piège, jusqu’à participer à sa propre destruction. Pour ne pas me répéter inutilement, jai opté pour faire de cette conclusion le coeur de la présente intervention. D’emblée, je deviens l’accusateur de mon propre peuple, au grand risque d’en devenir le paria. Un accusateur, mais pas un ennemi. Mon reproche, à l’instar de celui de Saint Paul à l’égard de ses frères et soeurs Juifs, est causé par la jalousie que je porte envers mon peuple. Je ne supporte pas de le voir se livrer à la merci de tous ceux qui veulent le précipiter dans la tombe. Permettez-moi de vous rappeler le proverbe de notre terroir: usenya urwiwe, bamutiza umuhoro!
1. Mon peuple au banc des accusés!
Au lieu de continuer d’accuser et de condamner d’autres composantes ethniques de notre pays en ce qui concerne nos misères, je préfère focaliser l’attention sur notre propre responsabilité dans ce domaine. Notre société se désagrège! Elle éclate et risque de disparaître! Aux misères qui lui proviennent du dehors, elle en ajoute d’autres qu’elle s’attire elle-même. De quoi je l’accuse? Quelle est sa faute? En d’autres termes, quelle est sa part de responsabilité dans les souffrances qui l’affligent aujourd’hui?
Sa responsabilité collective, c’est la division interne, la zizanie, la brisure de la cohésion et de la solidarité qui l’ont toujours caractérisée, la transformation des antagonismes claniques en inimitiés. Aujourd’hui, nos clans se comportent comme des partis politiques opposés qui s’entredévorent à belles dents. Cela entraîne la fragilisation, la dérision, le mépris, mais aussi la joie des autres groupes ethniques voisins. Tout compte fait, ce climat démontre l’immaturité politique et de regrettables maladresses aux conséquences inimaginables.
Mais, il convient de préciser que l’unité et la cohésion ethnique ne doivent pas être envisagées uniquement, ni avant tout dans le contexte du rapport des forces, c’est-à-dire dans le contexte des conflits interethniques où un groupe doit savoir se défendre efficacement et s’assurer la victoire, mais plutôt et avant tout dans le contexte de l’amour fraternel au sein même du groupe ethnique. Il ne s’agit pas d’être forts contre les autres groupes ethniques, mais d’êtres unis pour des raisons évangéliques; l’unité est une exigence évangélique. L’identité chrétienne n’autorise pas la désunion. La division est un contre témoignage et une cause de scandale avant d’être la cause des destructions matérielles.
2. Quelques causes principales de ce climat
Prenant toujours ma conférence du 25.11.2004 comme point d’appui, je me permets d’épingler quelques causes historiques – parmi tant d’autres – de cette douloureuse situation. Dans cette conférence dont le texte intégral est à votre disposition, je disais que la pression allophobe et xénophobe des autres groupes ethniques voisins du nôtre a fini par nous inoculer une sorte de honte de nous-mêmes, un complexe social, un sens erroné d’intégration sociale qui tend à devenir une pure et simple assimilation4, c’est-à-dire notre disparition en tant que corps social.
L’astuce de la pression socio-politique rwandophobe a été de suggérer à certains d’entre nous que pour mériter la nationalité congolaise, et partant obtenir l’insertion et l’intégration dans l’espace socio-politique du pays, ils doivent afficher leur haine ou tout au moins leur aggressive aversion contre le peuple rwandais. Cela semble être la facture obligatoire. Ainsi donc, on semble vouloir convaincre l’opinion publique en général et les Banyamulenge en particulier que la caractéristique fondamentale, le signe distinctif d’un véritable Congolais est la haine de l’autre, du Rwandais, pour ne pas dire du rwandophone tout court. Ainsi la rwandophobie devient une vertu, une qualité qu’il faut acquérir à tout prix afin de mériter l’insertion dans l’espace sociale en République Démocratique du Congo.
Le noeud coulant de ce piège réside dans le fait qu’à défaut de convaincre tout le monde de haïr gratuitement et collectivement tout un peuple, on finira par diviser ses victimes. En d’autres termes, ce noeud est la politique machiavélique de diviser pour régner: divide et impera!5
A l’heure actuelle, ce piège semble avoir fait sa prise; le gibier git bel et bien dans les mailles. Un gibier humain, un peuple transformé en gibier! Et du coup, les pauvres Banyamulenge se retrouvent entre le marteau et l’enclume. En effet, pourchassés et continuellement persécutés sur leur propre territoire6, en dépit du récent référendum constitutionnel des 18-19 décembre 2005 qui reconnaît, consacre et rétablit leur nationalité congolaise naguère confisquée de force, ne pouvant plus se replier sur le territoire que l’on veut qu’ils en soient des ennemis jurés, il ne leur reste plus que se replier au Burundi voisin, pour revivre éventuellement le drame et le cauchemar de la nuit du 13.08.2004, au camp des réfugiés de Gatumba, ou bien plier l’échine et attendre le coup de hache sur la nuque.
3. Shema! Munyamulenge!
Toujours dans mon intervention du 25.11.2004 à Portland, j’ai stigmatisé le fait que notre communauté a accusé un grand déficit, un inestimable manque à gagner du point de vue politique, administratif et de la formation intellectuelle et professionnelle, depuis le temps colonial jusqu’à l’avènement de la seconde république. J’ai montré combien il lui a été difficile de franchir les portes des instituts de formation supérieure et universitaire. Aujourd’hui, ses membres se comptent par milliers qui ont déjà obtenu des grades académiques dans les universités et instituts supérieurs à l’étranger, notamment au Rwanda. Certains d’entre eux ont même bénéficié des bourses d’études du gouvernement rwandais et ils travaillent dans les institutions de ce pays de mille collines, tout comme beaucoup de leurs collègues congolais qui y ont trouvé du travail, même pendant et après la guerre qui a opposé leur pays à celui qu’ils vilipendent. Il n’y a aucune ville de ce pays décrié par tous les moyens qui n’héberge des familles banyamulenge. Les grandes cités, la ville de Kigali en tête, regorgent des familles de notre tribu. Parmi vous-mêmes qui m’écoutez, chers frères et soeurs, qui n’a pas un proche parent qui mène une vie paisible dans ce pay?
Peut-on honnêtement continuer à insulter un pays dans lequel on a trouvé un refuge nécessaire et salutaire sans brûler les règles de la correction et de la gratitude? Cela reviendrait à scier la branche sur laquelle on est perché. Cela ressemblerait au comportement de celui qui crache dans le plat contenant sa pitance. En définitive, cela signifierait tout simplement manquer de bonnes manières. Cela est comparable à un bébé qui mord le mamelon du sein qui l’allaite. Je ne reproche rien à ceux qui ont préféré chercher refuge ailleurs. Liberté oblige! De même, je comprends ceux qui ont été contraints de le faire. Sécurité oblige! Mais, je n’admets pas l’agressivité que l’on affiche et que l’on veut imposer aux autres. En effet, il y a une nette tendance à la manipulation du peuple, à sa prise en otage et/ou à sa transformation en bouclier humain dans une aveugle joute politique qui ne profite même pas à ceux qui sont engagés dans une nuisible compétition.

4. Le drame !
De belle lurette, il y a toujours eu des antagonismes au sein des 26 clans banyamulenge. Mais ces antagonismes n’ont jamais pris la forme d’inimitiés que l’on note aujourd’hui. Actuellement, des gens qui se fréquentaient facilement s’évitent de toutes les façons. Beaucoup ne peuvent plus se parler, ni partager le même repas, ni boire à la même baratte7. Des villages tendent à devenir des ghettos. Des murs psychologiques les séparent et les isolent. La méfiance s’installe progressivement pour élir sa demeure au sein de la communauté naguère très unie et très solidaire. La division a obtenu le droit de cité. On se détruit à coeur joie.
De la méfiance, on en est arrivé au langage agressif et à la provocation qui parfois dégénèrent et se transforment en violences physiques. Cela s’accompagne du développement de l’esprit de la délation et de la trahison qui ne peut qu’enfoncer le clou de la haine intestine. Des règlements de comptes, des vengeances personnelles ou collectives favorisent l’esprit caïnique qui, par jalousie ou par intérêt sordide, pousse à trahir8 un ami de longue date. Pour une poigné de misérables billets de banque ou une promesse d’une éphémère promotion, on hésiterait plus à commettre le crime.
Le climat de méfiance que cela crée – prudence oblige – conduit des anciens amis à s’éviter mutuellement, au risque de dormir à la belle étoile non loin des villages des congénaires. Le tissu social subit ainsi une profonde déchirure! Le froid s’infiltre et finit par inoculer un climat glacial dans les relations humaines et sociales. Cela crée le vide dans les coeurs, le désert psychologique et spirituel, la gêne, l’endurcissement des coeurs, l’aridité et l’amertume, la solitude, la peur et la tristesse, bref, la mort dans l’âme et l’insécurité. Rien de tout cela ne ressemble à la légendaire et mythique solidarité communautaire d’antan qui a naguère caractérisé et protégé notre communauté.
La triste situation ainsi dépeinte ne peut qu’accroître davantage le sentiment d’abandon de tout un peuple. En effet, pourfendus, acculés et abandonnés par leurs voisins, les membres de notre communauté croient trouver leur salut dans leur mutuel abandon et s’enfoncent dans une débandade générale et mortifère, dans une dangereuse fuite en avant! J’appelle cela le drame d’un peuple, un peuple voué à l’errance comme un troupeau de brebis sans berger.
5. Les racines du mal
a. une religiosité populaire épidermique et mal éclairée9
A mon humble avis, cette triste situation est le résultat de quelques facteurs que je voudrais relever brièvement. Le premier est le masque de religiosité populaire que je préfère appeler émotivité religieuse générale qui caractérise notre peuple. Elle est capillaire, sincère, mais mal éclairée, hélas! Ce manque d’éclairage théologique fait qu’elle devient superficielle et épidermique. De très récente conversion au christianisme, à partir des années 1949, les Banyamulenge se considèrent actuellement comme collectivement chrétiens. A presque égalité numérique au début de leur conversion, ils sont devenus aujourd’hui à 70 % protestants et à 30 % catholiques environ. Ces croissance et décroissance sont des conséquences normales et logiques de leur implantation géographique, d’une part, et des systèmes pastoraux des deux religions concurrentes auxquelles ils appartiennent, d’autre part.
En effet, perchés au sommet de la chaîne des hauts plateaux d’Itombwe, loin des centres progressivement embrayés sur l’évolution moderne, les Banyamulenge ont longtemps vécu en vase clos, dans un isolement autarcique qui a conforté leur sens d’autonomie administrative et religieuse. En ce qui concerne la communauté catholique, de par son ecclésiologie foncièrement unitaire et son organisation hiérarchique et pyramidale, elle a été fortement handicapée par la difficulté de la pénétration des hauts plateaux par les missionnaires catholiques pour y fonder des paroisses, structures pasto-rales indispensables pour la vie et le développement des communautés chrétiennes locales. Cela a profité aux multiples communautés protestantes, qui, grâce à leur organisation acéphale, se sont librement et facilement partagé le gateau en se taillant la part de lion dans ce milieu socialement ghettoïque.
A cela s’ajouta, à partir des années 1964, l’explosion du mouvement charismatique pentecostale, né aux Etats-Unis d’Amérique, qui fut longtemps boudé par l’Eglise catholique dans son ensemble. Ce fait isola encore davantage la commnauté catholique des Banyamulenge et provoqua une véritable et presque mortelle hémorragie de défections. La quasi totalité de la jeunesse déserta l’Eglise catholique pour embrasser la religion protestante qui lui offrait un climat plus chaud, plus libéral, plus communautaire, socialement plus valorisant et plus personnalisant. L’isolement du milieu créé par la rébellion dite muleliste de 1964-1965 asséna le coup de grâce à la communauté catholique dans les hauts plateaux d’Itombwe et faillit l’étrangler complètement.
L’indépendance créée par l’acéphalisme des communautés protestantes qui leur donnait une totale liberté d’initiative versa dans l’anarchie qui en arriva à créer des communautés rivales et litigieuses, à des condamnations mutuelles et à des déchirures schismatiques internes. Au-delà du mépris affiché contre l’Eglise catholique dont les membres sont purement et simplement traités de païens10, les communautés protestantes développèrent des conflits internes qui sont, en grande partie, à l’origine des dissensions qui déchirent le tissus de la communauté toute entière. Pour des raisons de différends d’ordre pastoral, des frères de différentes communautés se boudèrent et s’excomunièrent mutuellement11. Même à l’heure actuelle, dans certaines communautés, des members qui osent participer au culte des autres communautés rivales sont excomuniés et obligés de demander publiquement pardon, devant leur communauté, pour être réadmis. Ainsi donc, prier avec d’autres frères et soeurs devient un péché, un crime passible de l’excomunication.
Ce comportement n’a rien de commun avec celui des chefs des plus grandes religions du monde qui, depuis le 16.10.1986, se rencontrent régulièrement à Assise, autour du pape, pour prier ensemble pour la paix, sans verser pour autant, ni dans le syncrétisme, ni dans l’idolâtrie. On peut considérer l’attitude de certaines communautés protestantes banyamulenge comme un pur produit de l’ignorance et du fanatisme qui véhicule à leur tour un fondamentalisme et un radicalisme dangereux et générateur de la confusion, de l’anarchie et de la ghettoïsation.
A la base de cet état des choses se trouve donc l’ignorance en matière religieuse et doctrinale, ainsi qu’une manifeste maladresse dans le gouvernement des communautés. Profitant de l’ignorance de leurs disciples, certains pasteurs les prennent en otage et les réduisent à l’état de troupeaux de moutons qui ne doivent que suivre aveuglement leur propre volonté. Ainsi, ils s’érigent en norme fondamentale et unique de la foi, de la religion et de l’organisation communautaire12. Guides aveugles, ils ne peuvent que précipiter les membres de leurs communautés dans le gouffre de l’intolérance. Il arrive aussi que des pasteurs soient pris en otage par leurs communautés qui leur imposent une déontologie sectaire. Pour ne pas perdre leur autorité et leur place, ces guides prisonniers de la pression de leurs communautés sont obligés de s’accommoder à leur dictat13. Ainsi, pasteurs et brebis s’engouffrent et s’enlisent dans un fanatisme de mauvais goût. Cela les fait sombrer dans des formes variées d’un fondamentalisme et d’un intégrisme puritain et ruineux.
Ce phénomène se double d’une naïve croyance aux prophètes qui ne prévoient que le bonheur de leur propre tribu et le malheur des tribus voisines. Ainsi, malgré leur apparente conversion massive au christianisme, mes frères et soeurs ne semblent pas avoir suffisamment renoncé à l’antique pratique divinatoire14 qui a caractérisé notre communauté. Das ce contexte, toute idée d’inculturation devient une chimère, une hérésie. En effet, la théologie de ces communautés se base sur le principe de tabula rasa, en éjectant tout ce qui a trait aux coutumes ancestrales, pour ne suivre aveuglement et radicalement que ce qui est affirmé dans la bible, souvent mal comprise. Ainsi, ces communautés diffusent une méthode religieuse de déracinement. Ici se poserait la pertinente question de la profondeur de leur foi.
b. un comportement séniliphobe15
Un autre facteur qui semble gangrener la communauté banyamulenge provient du bradage de l’autorité des anciens, leurs aînés et parents. Les jeunes, spécialement les militaires et miliciens ont séquesté l’autorité des anciens qu’ils traitent de dépassés ou d’ignorants (ibicucu), confondant la puissance des armes avec la sagesse et la raison. Traités de vauriens par ceux qu’ils ont engendrés, les parents ont déserté la case du conseil, de la délibération et de la décicion, pour laisser les jeunes gérer les affaires de la communauté à leur guise, au gré de leur volonté, de l’anarchie et du caprice. Le manque d’expérience des jeunes, en ce qui concerne la gestion de la vie communautaire, ne peut que les amener à la dérive et provoquer la ruine de la communauté qu’ils prétendent vouloir défendre. Ainsi, certains jeunes se comportent en véritables dictateurs arrogants vis-à-vis des anciens. Comme ils en imposent à tout le monde à cause de la force des armes à feu qu’ils manient et manipulent facilement, ils sont devenus comme des modèles incontestés et incontestables, si pas des éléments très dangereux dont il faut se concilier les égards. Selon cette logique, la raison du plus fort est toujours la meilleure. L’anarchie et le mauvais exemple donnent le ton et font école, le climat de terreur s’installe et règne en maître absolu.
c. agahayo16
J’ai la ferme conviction que l’une des causes de cette anarchie est l’insoumission qui a toujours caractérisé notre communauté. En effet, de tout temps, même pendant le temps colonial, notre communauté, vivant en vase clos, n’a jamais été bien gérée par le pouvoir administratif; elle lui a souvent – pour ne pas dire toujours- échappé. Cela a donné à notre communauté un sens très développé de l’autonomie mais aussi de l’insoumission. Chaque chef de famille ou de hameau (umuhana) commande à ses propre sujets. L’autorité est fragmentée et cela rend très difficile la gouvernabilité de la communauté dans son ensemble. Le système économique traditionnelle de notre communauté a renforcé davantage ce sens de l’autonomie. Chacun vit du fruit de ses mains. La dépendance est réduite au minimum17. La conséquence, c’est que personne ne commande son voisin et personne n’obéit à l’autre. Une société gérée par des rapports égalitaires, donc de force, ne peut pas échapper à l’insoumission. Abareshya, bakanganya imbaraga, ntibabura kugira agahayo!
d. une course effrénée au pouvoir et aux honneurs
Enfin, le dernier facteur qui ruine notre communauté, c’est la course au pouvoir et aux honneurs, tant en politique qu’en affaires économiques et commerciales. Comme ces deux éléments vont de pair, les concurrents ont une dangereuse tendance à se livrer une guerre sans merci. La logique de ôte-toi que je m’y mette et de tura tugabane niwanga bimeneke règne en maître absolu. Les prétendants au pouvoir sont ainsi passés du stade des adversaires politiques à celui des ennemis jurés et irréductibles. Exploitant la solidarité clanique, la seule qui leur reste encore, ils se murent dans des ghettos rivaux et destructeurs de la communauté toute entière.
Cet état des choses a révélé une série de comportements pour le moins inquiétants: l’ambition effrénée, l’opportunisme, l’avidité, la cupidité, l’âpreté au gain, l’arrivisme et l’individualisme qui versent facilement dans un pur matérialisme18. Cela conduit à d’inquiétantes formes de jalousie qui ne laissent aucune place à la réussite du semblable ou de compétition qui favorise une scandaleuse lutte pour le pouvoir, tant politique qu’économique. Aggravés par une pauvreté généralisée de la communauté, ces antiva-leurs achèvent de la précipiter dans le gouffre.
Mais il arrive aussi que les clans poussent ceux des leurs qui sont engagés dans la cours au pouvoir et aux honneurs à s’opposer les uns les autres pour les manipulet et les utiliser, afin d’obtenir des faveurs qu’ils ne veulent pas partager avec d’autres. De cette manière, on tend à créer des cercles fermés des privilégiés, ce qui ne manque pas de provoquer des jalousies compréhensibles et des rivalités nuisibles à toute la communauté ethnique. Ainsi, prétendants au pouvoir et clans avides des privilèges s’enfoncent dans une stimulation mutuelle. Les clans se dénigrent à coeur joie, se boudent sournoisement, pour finir par miner et faire imposer la vie de toute la communauté.
Toutes ces facteurs que je traite d’antivaleurs ont fini par provoquer la désagrégation de toute la communauté, sa déconnexion et sa dislocation, en la pulvérisant et en la réduisant à un bouillon de petits cercles de promotion et de défense des intérêts purement privés ou claniques. La cohésion communautaire a ainsi cédé la place à la solidarité au rabais qui n’est rien d’autre que l’individualisme saugrenu.
6. Quelques pistes de l’exode19
A la mesure de la multiplicité des maux dont souffre notre communité, il faudra plusieurs pistes de recherche des remèdes également. Le diagnostique sévère qui vient de montrer un corps malade, presque agonisant, invite à chercher des remèdes appropriés pour sa guérison. C’est pour cela que je n’ai pas hésité à répondre positivement à l’invi-tation que j’ai trouvée dans ma boîte postale électronique, à mon retour de l’Afrique où je venais de passer deux mois de tonifiantes vacances.
Comme je l’avais fait en novembre 2004, quand la communauté en diaspora aux Etats-Unis d’Amérique m’avait sollicité, j’ai estimé que je commettrais un péché d’omission si je ne donnais pas ma modeste contribution à ce laboratoire de la paix. Comme je l’ai signalé dans l’avant-propos, j’ai fort regretté le manque de suivi et de restitution des résultats de l’atelier de Portland. Cela m’a conduis à constater l’échec de ce forum et à en prendre acte, hélas! Mon vif souhait, c’est que celui-ci aboutisse à quelques actions concrètes dans la réalisation de ses objectifs, tels qu’ils sont énoncés dans le titre du programme, à savoir: le rôle de la diaspora en matière de la réconciliation, de l’unité, de la paix et du développement.
Il y a un lien logique et organique, presque de cause à effet, entre tous ces différents éléments. Mais, à mon humble avis, un certain ordre méthodologique s’impose. Si l’on veut obtenir un bon résultat, il faudra tout d’abord résoudre la question de l’urgence de la réconciliation interne. Celle-ci entraînera l’unité qui engendrera la paix, unique source d’un quelconque développement. Pour pouvoir réaliser une véritable réconciliation, il faudra tout d’abord être sincères et conséquents avec nous-mêmes, regarder la réalité en face, éviter la politique de l’autruche, l’hypocrisie, procéder lucidement à une courageuse autocritique et accorder un sincère pardon là où il s’avère nécessaire. Personne ne nous a mandatés ni forcés de nous réunir. Seule, la volonté de chercher un médicament contre le mal qui ronge et ruine la santé de notre communauté nous a poussés à nous chercher et à nous réunir.
Le diagnostique que je viens d’établir aura été sans doute trop sévère, accablant. Il appartient à l’assemblée de le critiquer, de l’ajuster, de le rééquilibrer et de lui donner sa juste valeur en rétablissant la vérité. Je ne détiens pas le monopole de la sagesse, ni du savoir, ni de la vérité, ni de la lucidité dans l’analyse de la situation. Je fais confiance à votre capacité de contribuer positivement et valablement à la recherche du remède indispensable pour la guérison de notre communauté. Ce n’est qu’à cette condition que celle-ci pourra donner une valable contribution à la santé de notre communauté nationale. Qui n’a rien ne peut rien donner non plus.
C’est pour cela que, du point de vue de la procédure d’approche de la question de la participation au développement national, j’ai souhaité que ce forum se limite tout d’abord à la question de la guérison de la communauté ethnique. Ce n’est que dans un second moment, dans un autre forum ad hoc, que nous consacrerions notre réflexion au problème de la contribution de notre communauté ethnique à la santé de la communauté nationale. A supposer que cette contribution ne soit pas désirée ou qu’elle ne soit pas appréciée à sa juste valeur, cela n’empêche tout de même pas la communauté de consolider sa cohésion interne. Celle-ci ne dépend point du consentement de la communauté nationale.
Dans l’analyse des causes du drame de notre communauté, j’ai épinglé sa religiosité mal éclairée et mal gérée. C’est pour cela que je l’ai traitée d’épidermique. J’estime que nous ne pouvons pas passer sous silence, ni minimiser cet élément très important de la vie de la communauté. Si je ne m’abuse, à l’heure actuelle tous les Banyamulenge sont quasiment chrétiens ou supposés tels. Nous n’avons, ni musulmans, ni athées déclarés, ni païens encore connus. Les quelques libres penseurs isolés se couvrent encore du manteau religieux de la communauté. Cela ne fait que aggraver notre responsabilité dans le mal qui nous afflige tous. La dichotomie que fait éclater notre double vie ne doit que nous inciter à corriger le tir.
Dieu Est Amour: celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui20. Et le pape Benoît XVI vient de nous le rappeler dans sa toute première Lettre Encyclique21. Noue ne serons des chrétiens authentiques que dans la mesure où nous saurons répandre le parfum de l’amour entre nous et autour de nous, le bonus odor Christi22 symbolisé par l’huile chrismale que reçoivent les néophytes catholiques le jour de leur baptême et de leur confirmation, ainsi que le jour des ordinations sacerdotale et épiscopale, pour ceux d’entre eux qui sont appelés au sacerdoce ministériel.
Tout comme le reste de la communauté demeuré sur le territoire national, la diaspora, surtout la partie située au pays des mille collines, a développé une grande créativité dans le domaine religieux. Tout Kigali regorge de lieux de culte dirigés par un nombreux collège de pasteurs. Les petits minibus et les taxis qui relient Kigali à ses alentours, ainsi qu’à toutes les villes du pays, vibrent au rythme de la musique religieuse des compositeurs ou chorales banyamulenge, hommes et femmes, garçons et filles. L’activité religieuse de cette communauté est devenue un véritable business. La chaleur humaine et la joie qui se dégagent dans les lieux de culte envoutent des foules chrétiennes, surtout des jeunes, de tous les horizons sociaux. Les communautés de Restauration Church (RC) et de Zion Temple (ZT) ont déjà débordé les frontières locales pour animer et emballer des auditoires extranationaux et ultraterritoriaux. Déjà en 1995, la communauté d’EBENEZER, sponsorisée par Joseph Mutambo Jondwe, avait organisé un culte de trois jours à Minembwe qui rassembla plus de 35.000 personnes. Cela démontre qu’il y a des Banyamulenge qui savent organiser, prêcher, convaincre, entraîner, prier et faire prier. Et cela se retouve dans la plupart des communautés des hauts plateaux d’Itombwe.
Mais, cela pousse à se poser une légitime question sur la signification de ces émotions populaires, si elles n’aboutissent pas à se transformer en amour fraternel. Pour paraphraser la Lettre Encyclique de Benît XVI, il faut que l’eros atteigne le niveau de la caritas et de l’agapè. Même là, on a le droit de se poser des questions sur la qualité d’un amour sélectif et discriminatoire. A quoi servent ces éloquences, ces animations, cette chaleur et cette force d’entraînement, si elles ne n’aboutissent pas à la charité et à l’amour du prochain, de tout prochain et de tous les prochains ? Il me revient à l’esprit la péricope paulinienne sur l’hymne à la charité23.
Si j’ai semblé pointer du doigt les communautés protestantes, ce n’est pas pour les accabler unilatéralement et innocenter la communauté catholique. Loin de là! J’ai tout simplement voulu dire que vu le nombre de leurs membres et leur impact social dans notre milieu, elles y ont une plus grande part de responsabilité. La communauté catho-lique a aussi ses enfants terribles, ses roublards et ses perturbateurs de la paix. Elle compte un bon nombre de crises internes, mais qui finissent par se résoudre dans le sens de la réconciliation et de la communion et non du déchirement et de la scission.
Somme toute, pour retourner à notre sujet, la réconciliation réalisée, l’unité et la paix rétablies, on pourrait alors s’attaquer aux cruciaux problèmes du développement de notre milieu que je schématise en quelques cinq points essentiels.
a. l’éducation et la formation
Comme je l’ai signalé plus haut, le premier ennemi à combattre, c’est l’igno-rance. Les armes de ce combat sont l’éducation et la formation, bref, la scolarisation massive et systématique de la jeunesse. Mais, le mauvais état des écoles de notre terroir ne peut jamais permettre une bonne éducation de nos petits frères et soeurs. Cela justifie leur continuelle émigration vers les milieux pourvus de meilleures infrastructures scolaires, notamment au Rwanda, raison de plus pour ménager ce pays dans les critiques et dénonciations.
Mais, qui va éradiquer ce mal de notre terroir? Ce serait illusoire et utopique de compter toujours sur les gestes sporadiques et occasionnels de bons samaritains tombant du ciel comme la manne, pour résoudre tous nos problèmes et à notre place. Si nous ne prenons pas les risques nécessaires pour affronter les questions brûlantes de notre milieu, endiguer l’hémorragie de l’exode rural et juvénil qui le dépeuple systématiquement, mettons fin alors à la rengaine de son développement. Cessons de rêver et de tromper l’opinion, tant tribale que publique par des discours creux sur le développement. Si nous ne pouvons pas nous montrer généreux et solidaires envers notre propre milieu, de quel droit pouvons-nous exiger cela des autres? Pour affronter efficacement ce grave problème, nous pourrions monter une chaine de récolte des moyes matériels et des fonds pour la réhabilitation de certaines écoles qui n’existent plus que de nom24.
b. le secteur médical
Le second ennemi à abattre, c’est le collectif plétaurique des maladies qui affligent notre population. Les gens n’en peuvent plus! Ils sont littéralement épuisés, exténués! Ils sont devenus squelettiques! Et ceux qui peuvent encore se permettre de se faire soigner, doivent se rendre à l’étranger, au Burundi ou au Rwanda, au prix de mille sacrifices économiques, à travers une multitude de dangers. Pour pouvoir faire soigner un seul de leurs members, les familles se privent du strict nécessaire pour leur précaire survie, au risque de se paupériser à l’extrême. Actuellement, parmi les calamités qui ravagent notre societé, il y a le SIDA et les maladies sexuellement transmissibles. Couvertes du manteau de la fausse pudeur qu’entretiennent les communautés religieuses du milieu, ces maladies sont en train de décimer littéralement notre communauté. La présence massive et permanente des forces combattantes propage encore davantage ces maladies, au grand dam de la communauté. La promiscuité dans les camps des réfugiés et des déplacés met le comble à la désolation. Ici encore, l’ignorance continue d’endormir nos frères et soeurs dans la mort. C’est ici qu’il conviendrait de dire que la culture tradition-nelle et la religion non éclairée sont l’opium du peuple.
Pour mener ce combat à bonne fin, une certaine organisation s’impose. Cela est impossible sans un certain niveau de générosité, de véritable solidarité et de franche collaboration. L’union fait la force, dit-on. On pourrait ajouter que la division fait la faiblesse. Pour combattre ce mal, on doit dépasser le niveau et le comportement individualiste, l’esprit sectaire et compétitif, de travail en vase clos ou en ordre dispersé, bannir la mentalité de réussir sans ou contre les autres. Dans ce domaine bien précis, la compétition doit le céder à la collaboration. Ce n’est qu’à ces conditions que nous pouvons chercher ensemble les voies et moyens de venir en aide à nos populations, tant dans le domaine de la création des infrastructures médicales valables que dans celui des équipements médicaux appropriés.
c. l’équilibre alimentaire
Le troisième problème à résoudre, c’est celui de la sécurité alimentaire. Notre milieu d’origine est essentiellement agro-pastoral. Selon les différentes altitudes, tout pourrait y pousser. On peut y développer tous les genres d’élevage. Et pourtant, c’est l’un des milieux qui souffrent davantage de la sous alimentation25. Pour une population composée uniquement de bouviers et de cultivateurs, il y a une flagrante carence de personnel et de produits vétérinaries, ainsi que d’agronomes. Dans ce milieu, il faudrait une bonne école, ne fût-ce que du niveau secondaire, avec deux secrions: la vétérinaire et l’agronomique. Dans ce secteur spécifique, la question de l’eau potable, saine et courante doit se poser avec précision, lucidité et détermination.
Il me plait de relever les mérites de certains d’entre nous, comme Monsieur Manassé Ruhimbika ici présent et son équipe du GROUPE MILIMA, Naum Butoto et son équipe de l’UGEAFI, Gilbert Mututsi et Tharcisse Kayira Bisenga, Lazare Sebitereko et ses collaborateurs du d’EBENEZER, ainsi que les modestes initiatives du pasteur Tharcisse Gakunzi, etc. Tous ces frères, chacun à leur manière et selon leurs moyens, sont en train de lutter pour assurer une vie plus digne à notre population. On pourrait sans doute avoir à redire sur leurs initiatives, mais on ne peut honnêtement pas ignorer leurs méritoires bienfaits.
d. l’infrastructure routière et l’énergie motrice
Le quatrième problème qui semble se poser avec acuité, c’est celui du désenclavement des hauts plateaux par la création des pistes carrossables ou routes de desserte agricole, et celui de la carence de l’énergie pour résoudre le problème du moulage du maïs, une véritable croix du monde féminin. Ne pourrait-on pas envisager l’installation de petites turbines électrogènes sur quelques rivières qui présentent des débits suffisamment rapides, les multiples cascades qui dévalent de nos montagnes pour aller arroser la plaine de la Rusizi ou grossir les rivières de la cuvette congolaise, ou encore recourir à l’énergie solaire? Cela libérerait les femmes et filles de cette éternelle corvée, pour leur permettre de mieux se préparer à affronter les problèmes de la vie ménagère et de s’insersion dans le circuit de la formation professionnelle.
e. la défense des faibles et des déshérités
Le cinquième problème qui devrait retenir notre attention, c’est celui de la précaire et par trop délicate situation de tant de veuves, parfois très jeunes encore, et de tant d’orphelins que la guerre et ses consequences ont créés. Dans la Sainte Ecriture, parmi les catégories sociales qui ont toujours retenu l’attention de Dieu, il y a ces deux que je viens de citer26. A cela s’ajoute le contingent de vieilles et vieillards qui sont livrés à la merci de l’indigence. Ces trois catégories sociales constituent des cas spéciaux qui mériteraient notre particulière attention.
La résolution de tous ces problèmes exige une concertation, une coopération, c’est-à-dire une conjugaison des efforts dans la recherche des voies et moyens nécessaires. Qu’est-ce qui nous empêcherait, par exemple, de créer une fondation, une association qui concentre et galvanise nos efforts dans ce sens? Ne pourrions-nous pas envisager de créer une caisse de solidarité exclusivement dédiée à la bienfaisance? Aide-toi et le ciel t’aidera! Je suis persuadé que nous ne manquerions pas de personnes, tant morales que physiques, de groupes ou d’organismes, disposés à nous tendre la main.
Nous sommes tellement bien placés et représentés en Occident (Europe, Etats-Unis et Canada) que nous pourrions nous permettre de tenter l’expérience. Et l’initiative ne pourrait que nous unir davantage. Du jet d’une seule pierre, nous ferions deux coups salutaires.
Conclusion
Dès le début de mon discours, je me suis affiché comme accusateur de mon peuple. Par là, j’ai voulu stigmatiser le mal qui l’afflige et souligner notre responsabilité collective dans les souffrances qui n’épargnent personne parmi nous. J’ai voulu éviter un discours hypocrite, adulateur et mensonger qui consisterait à accuser les autres groupes ethniques voisins et innocenter le nôtre, comme s’il était immaculé. Dans une tentative d’autocritique, j’ai voulu éviter le jeu de cache-cache, du faux-fuyant et de la tricherie, au risque de paraître alarmiste.
Il n’est nullement agréable de s’entendre ou de se voir mettre à nu et au pied du mur. Il a fallu ce procédé chirurgical, pour vous inciter à affronter avec réalisme et détermination le problème que nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer. Il n’y a pas que l’insécurité physique qui est à base de la déstabilisation de notre peuple. Parfois j’ai employé des accents trop aigus, des termes crus et forts qui vous auront sans doute choqués. C’est à dessein que je l’ai fait; j’ai voulu être un provocateur bien plus qu’un accusateur. Et si je vous avais réellement choqués, je me sentirais l’homme le plus heureux du monde, puisque j’aurais atteint mon objectif. Pour terminer, je vous propose de méditer profondément sur ces versets bibliques et d’en faire vôtres.
AMOUR ET VERITE SE RENCONTRENT,
JUSTICE ET PAIX S’EMBRASSENT27
LE FRUIT DE LA JUSTICE SERA LA PAIX28
QUI SEME LE VENT, MOISSONNE LA TEMPÊTE29
Merci de votre aimable attention. Pax vobis!30
Louvain-La-Neuve, le 25.02.2006
+ Jérôme Gapangwa Nteziryayo
Evêque émérite d’Uvira

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