Thursday, April 23, 2009

Découpage territorial de la RDC

Découpage territorial de la RDC: Les chiffres de Jacques Mbadu font réfléchir

Lundi 8 octobre dernier, députés et sénateurs ont été informés des résultats du forum national sur la décentralisation tenu du 3 au 5 octobre dernier au Grand Hôtel Kinshasa. Au cours de cette " séance académique " de restitution, quelques intervenants ont présenté, en guise d'introduction, leurs visions de la décentralisation. Parmi eux, le sénateur Jacques Mbadu Nsitu, ancien gouverneur du Bas-Congo. Son exposé intitulé " Problématique du découpage territorial de la RDC :
Opportunité et avantages - faiblesses - avis et considérations " a retenu l'attention de l'auditoire et continue à susciter des commentaires dans les milieux intéressés. Voici, ci-dessous les points saillants de cette démonstration magistrale faite à la tribune de la salle de congrès du palais du peuple.
C'est donc avec plaisir et grand intérêt que nous avons accepté de prendre la parole du haut de cette tribune pour tenter d'apporter notre modeste contribution à la Problématique de la Décentralisation dans notre pays.
Notre exposé de ce jour s'articule autour de trois axes principaux : Premièrement, nous allons démontrer l'opportunité et les avantages du Découpage Territorial de notre pays. Deuxièmement, nous nous attarderons sur ses faiblesses. Troisièmement enfin, nous vous donnerons nos avis et considérations sur le Découpage Territorial tel qu'envisagé dans notre Pays.

Opportunité et avantages du découpage

De prime abord, nous dirons que le découpage territorial de la RDC est une opportunité et offre des avantages si l'on prend en compte les dimensions continentales de notre pays qui se situent à 2.345.410 Km².
Plusieurs pays, moins vastes que le nôtre, ont recouru à cette technique pour une meilleure gestion de leur espace national.
A titre d'exemple, nous citerons : La France qui, avec 550.000 Km², environ quatre fois moins que la RDC, est découpée en 100 Départements ou provinces, en 341 Arrondissements ou territoires, en 4.039 Cantons ou Secteurs/Chefferies et en 36.782 Communes ou Groupements. L'Allemagne qui, avec 357.050 Km², environ sept fois moins que la RDC, moins vaste que la province de l'Equateur qui mesure (403.282 Km²), est pourtant découpée en 16 Régions ou Länder ou Provinces, en 26 Districts ou Territoires et en 16.127 Communes (Secteurs ou Chefferies).
Vu sous cet angle, la Décentralisation a l'avantage de rapprocher l'administration de l'administré, d'associer les communautés de base dans la gestion de la cité à travers des organes élus, dotés des pouvoirs spécifiques propres dans des matières telles que définies dans la Constitution.
Sans pour autant énerver votre savoir et vos connaissances, car nous savons que vous le savez bien, mais ici, il s'agit d'un simple rappel.

Des chiffres qui interpellent

La Province Orientale actuelle, la plus vaste de notre pays avec ses 503.293 Km², est aussi vaste qu'un pays comme l'Espagne et dépasse de loin le Cameroun (475.442 Km²), la Suède (449.964 Km²).
Les Provinces du Katanga et de l'Equateur, avec respectivement 496.877 Km² et 403.282 Km², sont de loin plus étendues que : le Japon (377.801 Km²) ; la Côte d'Ivoire (322.462 Km²) ; l'Italie (301.278 Km²).

Le Bandundu, qui a 295.580 Km², supplante le Royaume Uni (244.100 Km²) ; la Roumanie (237.500 Km²).
Le Kasaï Oriental, le Kasaï Occidental et le Maniema, avec respectivement 169.886 Km², 156.967 Km² et 132.250 Km² de superficie sont plus vastes que les pays suivants : la Corée du Nord (120.538 Km²) ; la Corée du Sud (99.221 Km²) ; le Portugal (92.072 Km²).
Le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et le Bas-Congo avec respectivement 69.130 Km², 59.483 Km² et 53.920 Km² dépassent largement les Pays-Bas (34.182 Km²) ; la Suisse (41.418 Km²) ; la Belgique (30.518 Km²).

La ville de Kinshasa est, avec ses 9.965 Km², 3 fois plus étendue que le Luxembourg (2.586 Km²).
Avec toutes ces données, nous ne pouvons que soutenir l'opération du découpage de notre pays qui, à nos yeux, est une opportunité, car elle vise à corriger la situation qui fait de la RDC un pays aux provinces trop vastes, difficilement gérables et a l'avantage de rapprocher les gouvernés des gouvernants.
Toutefois, cette opportunité présente des faiblesses dans la mesure où le découpage actuel, qui serait concrétisé dans les 24 mois à venir, a pour socle la transformation des anciens Districts en Provinces, excepté le Bas-Congo.

Nous avons l'impression que l'on n'a pas tenu compte des critères objectifs de viabilité des nouvelles Provinces à créer.
En effet, il n'y a eu ni recensement des populations, ni consultation préalable des populations concernées, ni inventaire des ressources disponibles dans chaque province à créer, ni consolidation du sentiment du vouloir-vivre collectif, ni formation des experts et animateurs de la Territoriale.
Bien plus, on n'a pas non plus tenu compte des infrastructures administratives ; du redéploiement des fonctionnaires ; des moyens financiers à mobiliser pour appliquer la décentralisation ; des textes réglementaires ; du renfoncement des capacités de gestion.
Cela a pour conséquence, certaines provinces à créer manquent presque de tout.

Quid des critères ?

Nous nous demandons alors si le seul critère qui consiste à faire des anciens Districts des Provinces suffit pour asseoir le découpage territorial. Même là, il y a à redire dans la mesure où la Province Orientale, la plus vaste des 11 Provinces du pays, ne sera découpée qu'en quatre Provinces. Le Katanga, avec une superficie de 496.877 Km² et 8.949.000 habitants, n'alignera que quatre provinces alors que celle de l'Equateur avec 403.292 Km² et 6.414.000 habitants en disposera cinq. L'actuelle province de Bandundu, avec 295.580 Km² et 7.018.000 habitants, ne sera subdivisée qu'en trois provinces au même titre que le Kasaï Oriental deux fois moins étendu (169.886 Km² et 5.421.000 habitants).

Nous constatons que la superficie de la nouvelle Province du Kasaï Oriental créée avec ses 9.481 Km², est moins étendue que la ville-province de Kinshasa qui a 9.965 Km² et entre plus de 5 fois dans la Province actuelle du Bas-Congo qui, elle, a 53.920 Km².
D'autre part, la configuration de certaines nouvelles provinces créées repose sur des critères purement ethniques.
A titre illustratif, nous citerons certains cas qui ne manquent pas d'intérêt.
Il s'agit notamment des provinces ci-après : le Kasaï Oriental est exclusivement pour les Baluba ; le Kabinda pour les Basonge ; le Sankuru pour les Batetela ; le Kasaï Occidental pour les Lulua ; le Nord-Oubangi pour les Ngbandi et nous en passons …
Comme nous l'avons démontré, si le découpage est une opportunité et offre des avantages à même de favoriser le développement dans notre pays, cette projection ne semble pas régler la problématique de la gestion territoriale du pays, au contraire, elle crée plus des problèmes qu'elle n'en résout.
Ce qui est sûr, c'est que dans la mesure où l'on n'a pas pris en compte des critères objectifs pour découper certaines provinces, il va inévitablement se poser des problèmes dans l'application du processus.

Cela est d'autant plus vrai que la décentralisation elle-même est un processus assez compliqué qui nécessite un réaménagement légal important.
Une bonne dizaine de lois constituant l'armature légale doivent être prises et avec elles des mesures d'application.
Nous ne vous apprenons rien si nous vous disions que plusieurs de ces lois sont déjà sujettes à controverse avant même d'être élaborées, votées et promulguées.
Des dispositions constitutionnelles comme celles de l'article 175 portant sur la rétrocession aux provinces ou la retenue à la source de 40% des recettes à caractère national donnent lieu à des interprétations contradictoires dont voici quelques-unes :
A ce sujet, dans les provinces actuellement appelées ''G3'', à savoir les provinces du Bas- Congo, du Katanga et la ville de Kinshasa, certains crient haut et fort que ces 40 % concernent bel et bien les recettes perçues dans les provinces.
Par contre, dans les 8 autres provinces appelées ''G8'', d'autres déclarent qu'il s'agit de 40% des recettes produites dans l'ensemble du pays et qu'il faut rétrocéder équitablement à toutes les provinces.

Que dire des recettes de grandes entreprises dont la répartition est aussi querellée. En effet, certaines sociétés payent leurs impôts à Kinshasa alors que les richesses ont été créées dans plusieurs provinces à la fois. C'est le cas de la SNEL, la REGIDESO, la SNCC, la RVA, l'ONATRA, etc.
La rétrocession des recettes des pétroliers producteurs au Bas-Congo présage des violents orages en perspective.
Il en est de même des recettes issues des transactions douanières à l'import comme à l'export qui bénéficient aux provinces du Bas-Congo et du Katanga alors qu'elles ne sont ni consommatrices finales des marchandises importées ni productrices des biens exportés.
Il faut trouver la meilleure interprétation possible afin d'éviter des disputes interminables. La route est donc, vous en conviendrez avec nous, semée d'embûches. Il nous faut trouver des mécanismes pour contourner ces difficultés et trouver des réponses adéquates.
En conclusion, quels sont nos avis et considérations sur ce thème ?
Sinon que le découpage territorial de la République Démocratique du Congo est une très bonne chose, nous devons le concrétiser avec beaucoup de volonté politique, mais, s'il vous plait, progressivement, méthodiquement et en nous dotant d'un agenda réaliste et bien réfléchi sans pour autant aller en l'encontre des prescrits de la Constitution en la matière.

La finalité est que notre pays, aux dimensions continentales, soit administré de façon optimale.
Le découpage ainsi pensé est une exigence de bonne gouvernance.
C'est pourquoi, nous sommes d'avis, avec d'autres, qui estiment que ce découpage doit se faire de façon rationnelle avec la mise en place, outre de la loi sur la Décentralisation, de l'ensemble de l'arsenal juridique y afférent ainsi que de tous les mécanismes de transfert effectif de compétences du pouvoir central au pouvoir provincial, du pouvoir provincial aux entités territoriales décentralisées.
Le temps est le maître d'œuvre qui guérit toutes les blessures causées par les insuccès temporaires, nivelle les inégalités sociales, redresse les injustices et les imperfections humaines.

Tout ce qui se fait contre le temps est souvent destiné à échouer. Rien n'est donc impossible avec le temps.
Aucun succès permanent n'est possible sans introspection et correction des erreurs.
Certes, une sagesse populaire dit, nous citons : " rien ne sert de courir, il faut partir à temps ". Fin de citation. Aucun pays ne s'est construit en un jour, mais il faut toujours commencer quelque part et tenir compte du temps.
Pourquoi ne pas commencer par rassembler toutes les données démographiques de la RDC avant d'envisager tout découpage ? Cela nous permettrait de connaître le nombre d'écoles maternelles, primaires et secondaires, le nombre d'hôpitaux à construire dans chaque province pour un développement équilibré de tous !
Pourquoi ne pas nous doter d'abord de tout l'arsenal juridique et économique qui doit accompagner la loi sur la décentralisation avant d'aller plus loin ?
Pourquoi ne pas commencer par recréer l'Ecole Nationale d'Administration, " ENA " en sigle, qui pourrait servir de creuset à la formation des Cadres Administratifs et Territoriaux de notre pays afin de mieux asseoir notre décentralisation ?

Pour ce faire, compte tenu de toutes les insuffisances et déficiences graves constatées actuellement. Le PNUD dans sa note d'orientation lors du Forum National sur la Décentralisation tenu à Kinshasa du 03 au 05 octobre 2007, conseille, nous citons : " Il serait plus prudent de programmer la mise en place des nouvelles provinces à partir de la nouvelle législature (en 2011). Car, la mise en place des nouvelles provinces dans deux ou trois ans, soit deux ans avant le renouvellement des mandats des députés provinciaux, est contreproductive et coûteuse.

Il serait plus réaliste de démarrer les nouvelles provinces au moment de la deuxième législature ; entre temps le Gouvernement Central et les Gouvernements Fédéraux concernés prendront des dispositions spéciales pour créer les conditions matérielles (bâtiments, infrastructures d'accès à certains chefs-lieux, etc.) pour accueillir les nouvelles provinces " Fin de citation.
Ne faisons donc pas une décentralisation dans la précipitation. Évitons de nous engager dans un précipice sans fond au risque de revivre la situation de notre pays après son accession à l'indépendance. Aujourd'hui, nous avons la possibilité de nous donner les meilleures chances de succès et prendre le plus bel élan pour bâtir un pays plus beau qu'avant que nous léguerons à notre postérité pour toujours.

Source: Publie a` Kinshasa, 12/10/2007 (La Référence Plus, via mediacongo.net)

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